Dock Rancid — 01h37 du matin
Quelques heures après l’annonce. On entend encore les échos dans les marchés. Mais ici, rien n’a changé. Ou presque.
Un hoquet d’ampli crachote dans les enceintes.
L’écran tremble. Le nom CorpNZ Refund Vitæ reste affiché en surimpression, comme un graffiti digital qu’on n’arrive pas à effacer.
Pétoch observe le reflet de son verre vide. Il cligne des yeux.
— C’est arrivé, hein ? Pas vrai ?
Le Prophète des Vapeurs ne répond pas tout de suite. Il découpe méticuleusement une serviette en forme de spirale.
— L’univers a toussé.
Pétoch tourne la tête lentement, très lentement, comme si la gravité venait d’être réinventée.
— Quoi ?
— Je dis : il a toussé. Pas éternué, pas reniflé. Toussé. Un seul coup. Sourd. Mais net.
— Et c’est grave, ça ?
Le Prophète hoche la tête avec lenteur, comme un vieux métronome imbibé.
— Quand l’univers tousse… Certains s’effondrent, d’autres se lèvent. Et d’autres encore… se mettent à rêver.
Pétoch ferme un œil. Réfléchit. Ou essaie.
— Moi j’me suis pissé dessus.
— C’est aussi un symptôme.
Ils restent silencieux. Un long moment. Puis Pétoch murmure, comme à lui-même :
— T’as vu le nom, là ? La boîte. CorpNZ Refund Machin.
Le Prophète :
— Vitæ.
— Ouais. J’l’ai connue. C’était une petite boîte de recyclage de cendres. Ils transformaient les morts en savon à barbe.
— T’es sûr ?
— Ou alors c’était une secte. Avec des chats. Beaucoup de chats. Ou un fast-food. Pas clair.
Le Prophète incline la tête.
— Tout ça, c’est pareil.
Ils trinquent. Ou plutôt, font cling avec deux verres vides.
— À la santé de l’univers.
— Et à sa toux.
— Et à la mienne.